Page de livre, support de photocopies, billet de banque…, le papier est un élément familier de nos sociétés; sans lui, l’imprimerie n’aurait pu se développer et révolutionner la communication entre les hommes. Depuis les premières techniques utilisées par les papetiers chinois jusqu’aux machines sophistiquées, l’histoire du papier est jalonnée d’inventions, avec toujours la même constante: former, avec des fibres végétales réduites en une pâte qui sera étendue et séchée, une feuille.
Historique des procédés de fabrication du papier
Le plus ancien papier connu provient de Chine, il est daté de 200-150 av. J.-C. Mais c’est un fonctionnaire impérial, Cai Lun, qui est considéré en Chine comme l’inventeur du matériau: en 105 apr. J.-C., il synthétise les connaissances concernant le mélange et le malaxage de fibres végétales, améliore le procédé de manière à obtenir une feuille fine et régulière, et répertorie les plantes les plus aptes à donner une bonne pâte.
Le premier procédé de fabrication du papier
Dès lors, le procédé était bien abouti: la pâte était préparée à l’origine à partir d’écorces d’arbres, principalement du mûrier, bouillies dans une solution de cendre de bois; cette première opération permettait de séparer les fibres de cellulose, qui étaient ensuite battues à la main, puis dans un mortier. Une pâte était ainsi obtenue, que le papetier versait et étalait à la main sur une forme à papier, un moule composé d’un cadre de bambou supportant un tamis (treillis de fibres végétales ou de toiles) qui permettait à la feuille de s’égoutter sur place.
Très vite, pour accroître le rendement, ce moule est remplacé par une forme souple, composée d’un tamis de bambou et de fils de soie, fixé à un cadre rigide en bois par deux baguettes amovibles. L’ensemble était plongé dans une cuve afin d’être recouvert d’une fine couche de pâte. Puis le tamis était retourné et enroulé pour libérer la feuille. Une fois empilées, les feuilles étaient pressées puis séchées au soleil.
À partir du IVe siècle, le papier remplace totalement les tablettes de bambou, et de nombreuses fibres végétales – le chanvre, la ramie, les algues, le rotin, le mûrier, le bambou, le riz, le blé – sont utilisées. Le papier, suivant les besoins, est même coloré, et dès le IIIe siècle de l’amidon est mélangé à la pâte afin d’améliorer l’adhérence de l’encre pour donner toute sa force à la calligraphie. Ce principe de fabrication du papier sera jalousement conservé par les Chinois pendant plus de huit siècles, jusqu’à la prise de Samarkand, en 712, par les Arabes.
De la Chine à l’Europe
Lors de la bataille de Samarkand, des papetiers chinois sont faits prisonniers et livrent à leurs vainqueurs le secret de la fabrication du papier. Les Arabes modifient quelque peu le procédé, en utilisant plutôt comme fibres le lin et le chanvre, qu’ils font macérer dans un bain de chaux et qu’ils pétrissent ensuite jusqu’à l’obtention d’une pâte bien blanche, laquelle est abondamment rincée; la feuille est séchée au soleil puis encollée.
La propagation de la fabrication du papier jusqu’en Occident va suivre la Route de la soie: après un long cheminement depuis la Perse, en passant par la Syrie, puis l’Égypte, où l’on abandonne le papyrus (c’est du nom latin de cette plante que le mot «papier» tient son origine), le papier arrive en Espagne vers le Xe siècle, et en Italie vers le XIe siècle.
Le développement de la production de papier
Les procédés de fabrication sont perfectionnés au moulin de Fabriano, en Italie, dès 1276. En France, la fabrication du papier débute à Troyes, en 1348, et se développe dans toute l’Europe.
L’essor de la papeterie sera ensuite entièrement lié à celui de l’imprimerie, ainsi, la qualité du papier sera-t-elle améliorée pour répondre à la nécessité de l’impression recto-verso. Au début du XVe siècle, le papier est d’un emploi courant: les cultures de lin et de chanvre – ces plantes contiennent de 60 à 90 % de cellulose – s’étendent pour remplacer la laine, et permettent de disposer rapidement d’une chiffe de lin abondante et bon marché.
L’invention de la machine à papier
Jusqu’au début du XIXe siècle, tout le papier était fabriqué à la main, ce qui limitait les formats et la production. À cette époque, le développement de l’imprimerie entraîne une demande accrue de papier. Dans cette atmosphère favorable à la mécanisation, Nicolas Louis Robert se lance dans la mise au point de la première machine à papier, et dépose un brevet en 1799. Un an plus tard, une machine installée à Rouen fabrique, par jour, 80 feuilles de papier d’une longueur de près de 6 m.
Le brevet est repris en Angleterre, où la machine est perfectionnée. En 1803, la première machine connue sous le nom de Fourdrinier fonctionne à Frogmore: la pâte à papier déjà affinée est mise dans une grande cuve, où elle est brassée par des cylindres; elle est ensuite versée sur une toile métallique sans fin, qui, animée d’un mouvement continu, facilite l’égouttage de la pâte. Cette dernière passe alors entre des cylindres, ou presses, garnis de feutre pour l’essorage. En 1850, une innovation révolutionne l’imprimerie et la presse: la pâte à papier, après séchage, s’enroule sur des bobines installées au bout de la machine. Cette technique n’est pas étrangère à l’apparition des premières rotatives. Les papetiers commencent à s’équiper, et, quelques années plus tard, plus de 300 machines à papier sont dénombrées en Grande-Bretagne, 200 en France, et autant en Allemagne. Chacune assure la production de dix cuves desservies à la main.