La porte d’entrée est aujourd’hui un objet commun du quotidien, auquel on ne prête presque plus attention. Mais, cela n’a pas toujours été le cas au cours des siècles passés. Zoom sur une histoire et sur une symbolique… lourde de sens !
La porte : un passage symbolique
Si la porte d’entrée actuelle a pour vocation de délimiter l’intérieur de l’extérieur – la sphère privée, du monde publique -, elle a eu pendant des décennies d’autres fonctions. Elle était l’élément qui matérialisait le passage d’un monde à l’autre mais aussi le passage entre le profane et le sacré. En effet, il suffit de regarder l’architecture des temples grecs pour se rendre compte de l’importance apportée à la porte. Ainsi, l’homme humble se faisait tout petit pour enter dans ces lieux de culte. D’ailleurs, toutes les religions, juive, chrétienne, musulmane, hindoue se servent de la porte pour symboliser le passage des ténèbres à la lumière ou du mystère à la connaissance. Et force est de constater que, quel que soit le culte, la porte est toujours très imposante et affiche une volonté de dominer l’homme.
L’importance du seuil
Le seuil de la porte d’entrée occupe lui aussi une place importante dans de nombreuses croyances. En Mésopotamie, par exemple, du métal était déposé sous le seuil d’entrée des maisons au moment de leur construction. Cette opération avait pour but d’éloigner les démons : les esprits des morts négligés par les vivants, d’où la nécessité de les honorer afin qu’ils reposent en paix et ne viennent pas jouer les trublions dans le monde vivant. C’est une croyance très forte qui est toujours d’actualité, notamment en Asie. En Indonésie, sur l’île de Bali, les portes d’entrées en bois des maisons familiales sont conçues de façon à ce que les démons ne puissent pas y pénétrer. En Chine, elles sont traditionnellement orientées vers le sud pour capter plus d’énergie et faire entrer de la force dans l’habitat.
Une décoration qui a du sens
Au cours des siècles, les portes ont été petit à petit agrémentées de décorations dont le but était de transmettre une information aux visiteurs. Un sablier ou une salamandre sculptés dans le bois signifiait au XVIIème siècle qu’un homme sage, certainement alchimiste, occupait les lieux. Plus tard, les volutes gravées dans le bois et les vitraux Art Nouveaux placés au-dessus des portes, témoignaient de la richesse du propriétaire.
Aujourd’hui, la porte d’entrée raconte de nouvelles histoires. L’univers du design s’est emparé de cet élément en jouant avec les matériaux, les couleurs et les formes. Désormais, la porte d’entrée est le reflet d’un style, elle annonce l’ambiance d’une maison et parfois même, la personnalité des occupants.
Heurtoir et œilleton : des accessoires de porte chargés d’histoire
Lorsque les portes d’entrée ont évolué, elles se sont peu à peu dotées d’accessoires pour les rendre plus pratiques ou plus sûres. Le heurtoir et l’œilleton sont les plus connus d’entre eux.
Le heurtoir, bien que remplacé peu à peu par la sonnette électronique, a été pendant des centaines d’années, le meilleur moyen d’annoncer son arrivée. Il a d’abord été rudimentairement constitué d’un petite maillet frappant un clou planté dans le bois de la porte. Mais il a rapidement été amélioré, devenant un accessoire ornemental sans pareille, qui annonçait la richesse du propriétaire de la maison. Ainsi les heurtoirs ont des formes, des couleurs et mêmes des mécanismes variés suivant les périodes, les pays et les bâtiments dont ils ornent la porte d’entrée.
Sur certaines églises italiennes, par exemple, les heurtoirs étaient placés très haut, car réservés aux cavaliers à cheval et le peuple ne pouvait pas y accéder.
Certains heurtoirs sont très ostentatoires afin d’impressionner les visiteurs. C’est pour cela que les motifs récurrents du heurtoir sont le lion, le serpent ou une figure monstrueuse. Mais le heurtoir peut aussi avoir une fonction de protection liée à des croyances. Ainsi la Méduse était souvent représentée sur les heurtoirs : on pensait qu’elle avait la faculté de pétrifier ou du moins de faire fuir les visiteurs mal intentionnés.
L’œilleton ou le judas, aussi appelé œil magique au Canada, est une petite ouverture pratiquée dans la porte qui permet de voir sans être vu. Si nous avons surtout l’habitude de côtoyer le judas de porte, il existait auparavant des judas de planchers. Camouflés par une planche et munis d’une grille il permettait d’observer ce qui se passait à l’étage en-dessous en restant discret. Le judas tire son nom de de l’apôtre du même nom qui trahit le Christ. En effet, cette petite ouverture « trahit » celui qui est observé à son insu et qui lui ne peut voir de l’autre côté.
Source : Ethnologie de la Porte, de Pascal Dibie, Editions Métailié.
I Crédits Photos : pixabay visuels CCO I